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86 [I^74] MÉMOIRES POUR SERVIR
ladies, auquel il falloit recourir. « Je crois, dit le Roy, « que ce que vous dites est vrai, et n'y sçavez autre « chose. Tirez-moy ma custode, que j'essaye à reposer. » Et à l'instant Mazille étant sorty, et ayant fait sortir tous ceux qui étoient dans la chambre, hormis trois, savoir La Tour, Saint-Pris et sa nourice, que Sa Majesté aimoit beaucoup, encor qu'elle fut huguenote. Gomme elle se fut mise sur un coffre et commençoit à sommeiller, ayant entendu le Roy se plaindre, pleurer et soupirer, s'approche tout doucement du lit; et tirant sa custode, le Roy commença à luy dire, jettant un grand soupir, et larmoyant si fort que les sanglots luy interrompoient la parole :« Ah! ma nourice, ma « mie, ma nourice, que de sang et que de meurtres! « Ah, que j'ay suivi un méchant conseil! O mon Dieu, « pardonne-les-moy, et me fais misericorde s'il te plaist! « Je ne sçais où j'en suis, tant ils me rendent perpleix « et agité. Que deviendra tout cecy? que feray-je? Je « suis perdu, je le vois bien. » Alors la nourice lui dit: « Sire, les meurtres soient sur ceux qui vous les ont « fait faire! Mais de Vous, sire, vous n'en pouvez mais; « et puisque vous n'y prestez pas consentement et en « avez regret, croyez que Dieu ne vous les imputera « jamais, et les couvrira du manteau de la justice de « son fils, auquel seul faut qu'ayez vostre recours. Mais, a pour l'honneur de Dieu, que Votre Majesté cesse de « larmoyer! » Etsur cela, luy ayant eté querir un mouchoir, pour ce que le sien étoit tout mouillé de larmes, après que Sa Majesté l'ût pris de sa main, luy fit signe qu'elle s'en allât et le laissât reposer.
Le dimanche 3o may, jour de Pentecoste, sur les trois heures après midy, Charles ix, roy de France,
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